Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) III - Cleonice. Dernières Amours.djvu/18

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  CLEONICE,  



XXX.


Quand l’an.lante jeunesse. aux delices poussée,
r~e à l’âge plus meur, moins amy du plaisir,
Tout ainsi que le teint se change le desir,
Et la raison commence à guider la peDSée,

{)es aiguillons d’honneur J’ame se sent presséP,
Qui luy font tout à l’heure autre chemin choisir,
Et celuy que l’Amour avoit sçeu Dlieux saisir,
Se ri plus hautement de sa n : unme passée.

Chacun lors, par le tans rendu plus advisé,
Voyant l’4ge qui glisse à la nuict disposé,
Songe à faire retnite ains que le jour luy faille.

Mais moy qui dois brûler aimant jusqu’A la mort,
Plus je touche’ la ouict, plus j’éloigne le port,
Et moins j’ay de vigueur, plus Amour me t.. : n·aille.


XXXI.


Ce bras qui m’a tiré tant de traits 8mOlJreux,Par
qui ma jeune audace en triomphe.t· menéP ;
Ce bras toujours vainqueur, 6 flere destinée !
Est ouvert par le fer d’un barbier rigoureux.

lJai~ quoi 1je vay plaignant un coup peu dangereux,
Et voyant vostre sang mon ame est estonnée,
Bien que par vos rigueurs la mort me soiL donnée,
Et que n’ayez soucy de me voir malheureux.

Je n’aime rien si fort que ce qui plus m’outrage ;
Mais las ! que le barbier n’en tire d’avantage,
Si grande cruauté je ne sçauroy pius voir.

Doy-je espel’er qu’un jour la pitié.vous surmonte,
Et qu’avecques mes pleurs je vous puisse esmouvoir,
Vous qui de l’ostre sang rai~ si peu de conté !