Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/24

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on est d’un temps, d’une époque : on exprime les choses avec art et talent, pour être, apparemment, en sympathie avec quelqu’un, avec le plus d’amateurs ou d’admirateurs possible. Pourquoi limiter d’avance ce nombre ? Pourquoi repousser, de propos délibéré, des natures, même incomplètes, qui ne demandent qu’à être attirées et à venir à vous par de certaines qualités qui sont en vous et qui ne sont pas absentes en elles ? Pourquoi se retrancher, s’interdire à soi et aux autres, quand il y a lieu, l’agrément, l’émotion bienfaisante et salutaire ? Quelle lâcheté ou quelle sottise y a-t-il à désirer que l’artiste, supérieur aux autres par ses moyens d’expression, reste d’ailleurs un homme autant qu’il se peut ? »

La littérature populaire n’a qu’un sérieux écueil, c’est de tomber dans l’utilitarisme, de devenir prêcheuse comme la littérature anglaise contemporaine. Écrire un livre pour édifier ses semblables, « c’est avoir à peu près les idées de cet homme qui avait fait du naufrage de la Méduse un tableau à horloge et mis l’heure dans la voile[1]. »

D’ailleurs, les œuvres de mensonge, seules, peuvent être nuisibles. La réalité porte en elle son enseignement.

Deux écrivains de notre époque, qui n’ont pas toujours évité le sermon, MM. Erckmann-Chatrian,

  1. Edmond et Jules de Goncourt. Idées et Sensations, p. 232.