Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/295

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Le canevas banal de nos piteux destins,
C’est que notre âme, hélas ! n’est pas assez hardie.


M. Rollinat est si profondément imprégné de cette poésie quintessenciée et charmeuse, qu’elle semble devenue sienne ; il n’a pas cette gêne qu’on éprouve à porter les habits d’un autre. Le goût des scènes étranges et des perversions le ramène sans cesse à la pensée de la mort et son œuvre finit dans des visions de spectres, au milieu des ténèbres.


Ô mort, vieux capitaine, il est temps, levons l’ancre,
Ce pays nous ennuie, ô mort, appareillons.


Est-ce M. Maurice Rollinat qui parle ? Non, c’est Baudelaire. Et qui chante en fermant son livre ?


Vive la mort ! vive la mort !


Est-ce Baudelaire ? non, c’est M. Rollinat. Pourtant, je crois remarquer dans le fils un sentiment qui manque chez l’ancêtre : Baudelaire, plein de réminiscences catholiques, croit à Satan plus qu’à Dieu ; M. Rollinat, lui, laisse échapper un cri de lassitude.


Soupir parlé des deuils intimes,
Vieux refrain des vieilles victimes :
            Mon Dieu !


Mélange d’hystérie et de mysticisme, religiosité malsaine à la Barbey d’Aurevilly.

Mais les rapprochements menacent de ne pas finir.

Comme Baudelaire, M. Rollinat adore les chats pour leur mystère et leur câlinerie voluptueuse, il est un dévot d’Egard Poë,


De ce grand ténébreux qu’on lit en frissonnant ;


Les tons violacés de Delacroix, l’ensorcellement mystérieux,inquiétant, diabolique de la Joconde, le frisson funèbre des ifs et des sapins le remuent délicieusement ; il