Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/38

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terre-à-terre ; aimant, du reste ; bonne pâte d’homme vulgaire.

Attachez l’un à l’autre ces deux êtres qui ont été séduits au premier abord, peut-être par leurs contrastes. Que va-t-il arriver ? Les événements résultent parfois du hasard, plus souvent de la force des choses, de la logique des caractères. Emma, tombant de haut dans la prose de la vie quotidienne, finira bien vite par s’apercevoir de la pauvreté intellectuelle de Charles ; ce sera du mépris, des regrets — mépris activant les regrets. — Ah ! si l’on avait su !

Charles reste trop bête pour s’apercevoir du mépris qu’on lui témoigne. Plus Emma se montrera amère et dédaigneuse, plus il sera prévenant, mais d’une prévenance gauche et maladroite, plus aussi son terre-à-terre heurtera les imaginations romanesques de sa femme.

« Le dos, le dos tranquille » de Bovary sera « irritant à voir. » Charles « rentrait à dix heures, minuit quelquefois. Alors il demandait à manger, et, comme la bonne était couchée, c’était Emma qui le servait. Il retirait sa redingote pour dîner plus à son aise. Il disait les uns après les autres tous les gens qu’il avait rencontrés, les villages où il avait été, les ordonnances qu’il avait écrites, et, satisfait de lui-même, il mangeait le reste du miroton, épluchait son fromage, croquait une pomme, vidait sa carafe, puis s’allait mettre au lit, se couchait sur le dos et ronflait.

« Comme il avait eu long temps l’habitude du bonnet de coton, son foulard ne lui tenait pas aux oreilles ; aussi ses cheveux, le matin, étaient rabattus pêle-mêle sur sa figure et blanchis par le duvet de son oreiller dont les pordons se dénouaient pendant la nuit. Il portait toujours de fortes bottes qui avaient au cou-de-pied