Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vait souffrir la sécheresse d’un Mérimée ’ou d’un Stendhal. En citant devant lui « Monsieur Beyle », on était sûr de l’exaspérer. Un jour Tourguéneff, grand admirateur de Mérimée, pria Flaubert de lui expliquer pourquoi il trouvait mauvaises les phrases de Colomba. Flaubert ouvrit le livre au hasard, fit pleuvoir des qui, des que, des expressions banales. Tourguéneff s’étonnait, raconte M. Zola, nous avions tort de tant raffiner, les Russes se servaient de leur langue plus simplement. C’est qu’il n’y avait pas seulement antipathie de rhétorique entre Flaubert et Stendhal ou Mérimée ; le lyrique qui avait besoin d’un large vêtement pour draper sa large pensée, devinait sous la sécheresse du style la sécheresse de l’àme. Beyle, contempteur de poésie, est fils de Voltaire, et Flaubert descend de Victor Hugo. Les loups et les renards ne sauraient s’apprécier.

On s’explique moins le dédain de Flaubert pour « Monsieur de Musset. » Il le considérait comme un poète amateur et lui reprochait ses mauvaises rimes, sans entendre, sous ces rimes lâchées, les cris d’un grand cœur malade.

La raison, peut-être, c’est que Flaubert n’a jamais éprouvé de passion réelle. Les hommes de 1830 plaçaient l’amour trop haut : Flaubert, avec ses idées très romantiques, aurait voulu se consumer éternellement dans une adoration, rêvait une femme qu’on verrait à de rares intervalles et qui serait pour l’amant une sorte de madone. Tout en désespérant de saisir l’insaisissable, il regrettait, dans les dernières années de sa vie, de ne s’être pas marié ; on le vit un jour pleurer devant un enfant. Dans une lettre à M. Maxime Du Camp, il dit : Peud’hommes onteumoins de femmes que moi. — Pour-