Aller au contenu

Page:Desrosiers - Iroquoisie, tome 1 (1534-1646), 1947.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
245
IROQUOISIE

Ils décident de partir sans retard. Et Thérèse, la petite Huronne, écrit à Marie de l’Incarnation une lettre d’adieu d’une délicieuse sobriété classique : « Ma bonne mère, Je suis sur le point de partir. Je vous remercie de ce que vous avez eu soin de moi et de ce que vous m’avez enseigné à bien servir Dieu. Serait-ce pour peu de chose que je vous remercie ? Jamais je ne m’en oublierai ».

Le départ a lieu le premier août. Les douze canots sont lourdement chargés : quarante personnes y ont pris place, et parmi elles, le père Isaac Jogues qui retourne en Huronie après un bref séjour à Québec ; René Goupil et Guillaume Couture qui revient lui aussi de la baie Géorgienne ; puis il y a des bagages, des vivres pour la quinzaine de missionnaires et la quinzaine de laïques qui travaillent dans les missions. Trois parents de Thérèse veillent sur elle : « Ils tenaient pour miracle de la voir lire et écrire… ; ils l’entendaient parler deux ou trois sortes de langues… Nous la pourvûmes de tout ce qui était nécessaire à son mariage »[1].

Le second jour, les occupants du premier canot découvrent des empreintes de pas sur le sable et l’argile du rivage. Ils en donnent avis à leurs compagnons. Tous mettent pied à terre pour examiner les pistes. Les uns croient que ce sont des Iroquois qui ont passé là, d’autres, des Algonquins. Ahasistari veut continuer le voyage : la troupe qui a laissé des traces n’est pas plus nombreuse que la leur. Le convoi avance encore d’une demi-lieue. Il serre la rive de près pour doubler une pointe. Soudain, les guerriers ennemis dissimulés dans les herbes et les broussailles poussent leur clameur de guerre et tirent à l’arquebuse sur les navigateurs : « Le bruit de leurs arquebuses effara si fort une partie de nos Hurons, qu’ils abandonnèrent leurs canots et leurs armes, et tout leur équipage, pour se sauver à la fuite dans le fond des bois »[2]. Mais cette première décharge n’avait fait d’autre mal que de briser la main d’un Huron et de transpercer quelques canots. Douze à quatorze Hurons seulement tiennent main-

  1. Marie de l’Incarnation, Écrits spirituels et historiques, v. 1, p. 148
  2. RDJ, 1647-18