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IROQUOISIE

la multiplication des opérations commerciales. Alors, ils sont opposés à fond à la mission du père d’Aillon. Si les Neutres se rendent eux-mêmes en Nouvelle-France, les Hurons perdront bonne partie de leurs profits. Bien plus, les Neutres pourraient s’arroger peu à peu la profession d’intermédiaires. Alors, les Hurons réagissent avec férocité. Ils répandent les pires calomnies contre les Français. Ils les accusent de tous les crimes, d’être en particulier des sorciers, des empoisonneurs, des incendiaires. Le père d’Aillon est maltraité, volé, presque assommé. Grenoble vient de la Huronie pour le ramener ; la rumeur s’est répandue qu’il était mort. Ainsi se défendent avec ruse et énergie les commerçants de la Huronie.

Toutefois, les Neutres ont moins de raisons que les Hurons à chercher des bénéfices dans la traite, le commerce, les longs voyages difficiles à travers les rapides, les chutes, les portages, la forêt. Ils habitent les territoires les plus fertiles et les plus productifs qui soient. Le pétun s’y cultive sur une large échelle. Le gibier y abonde : cerfs, dindons sauvages, orignaux, chats sauvages, écureuils noirs y produisent de belles fourrures. C’est une tribu qui subsiste facilement, agréablement. « … On devrait plutôt s’y habituer qu’ailleurs », et surtout que dans la Huronie nordique, pense le missionnaire. La traite pourrait aussi s’y organiser plus facilement. En dix jours au lieu de trente, les flottilles atteindraient les postes de traite ; malheureusement, les Neutres ne connaissent pas la navigation.

Les Neutres « assistent les Cheveux relevés contre la Nation du feu, desquels ils sont ennemis mortels » dit le missionnaire. Et il ajoute encore qu’aux foyers des Neutres s’assoient en paix les Iroquois et les Hurons ; ils y mangent parfois ensemble ; mais en dehors du pays, ils se font la guerre « sans qu’on ait encore pu trouver moyen de les réconcilier et mettre en paix, leur inimitié étant de trop longue main enracinée et fomentée par les jeunes hommes de l’une et l’autre nation, qui ne demandent qu’à se faire valoir