Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, deuxième série, 1915.djvu/111

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son dont les fenêtres éclairées m’apparaissent au haut de la côte et me rassurent contre toutes les traîtrises du noir. J’aperçois encore le petit couvent et un souvenir me frappe et s’impose ; celui de l’imposante et splendide abbaye du Mont Saint-Michel qui m’a laissé une impression très profonde : elle révèle une vie étonnante, et elle pourrait illustrer à elle seule l’histoire du Moyen Age. En parcourant ces cryptes d’aspect saisissant, ces salles immenses, ces galeries du cloître, ces escaliers interminables, ces couloirs sombres, les cachots, les oubliettes, les chemins de ronde, il est facile d’y faire revivre ces moines-soldats, ces abbés-capitaines, qui, de leur citadelle imprenable, défiaient les éléments et les hommes, n’inclinant leur front altier que devant Dieu dans leur église merveilleuse, en dentelle de pierre, si vaste, si élevée, si gracieuse dans sa magnificence et malgré sa nudité désolée d’aujourd’hui !

Et à côté de ces dures figures, voici une vision de beauté féminine ; l’image de Tiphaine de Raguenel, dont les soyeuses robes blanches caressèrent les pierres rudes, s’est levée devant moi pendant que je visitais les chemins de ronde.

Tiphaine de Raguenel était l’épouse de Bertrand du Guesclin, elle s’enfuit de Pontorson où les Anglais voulaient la retenir prisonnière et elle se réfugia au Mont Saint-Michel