Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/97

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peu affolés dans une course éperdue vers les chimères qui ne leur laissent pas le temps d’apprécier le trésor de leur jeunesse, de leur confiance fraîche et de leur âme toute neuve. Nous étions comme eux et nous regrettons peut-être ce que nous n’avons jamais possédé !

Dernièrement, une femme américaine, dans une conférence devant la société « select », enseignait la « science de la vie ».

Elle était intéressante par sa sincérité, ses airs inspirés de prophétesse, toutes les grâces un peu artificielles et charmantes d’une jolie femme qui veut s’emparer de son public, mais ses théories m’ont paru vagues et ses conclusions peu pratiques.

Le lendemain, de retour dans mon village je passai par un chemin creux qui descend à l’église et où je venais souvent autrefois, car, au tournant de la route, habitait une vieille petite dame qui avait plus de sagesse dans son petit doigt que je n’en trouvai hier dans le chapelet de belles phrases de la conférencière.

Je vois encore la petite maison veloutée de mousse du côté de l’ombre, je la vois avec ses volets gris, son jardinet fleuri, si propret, si ratissé et si régulier, qu’il ressemblait à un tableautin de pensionnaire.

Et je la vois, la petite vieille, trottinant dans son jardin, les lunettes relevées sur le nez, une grande aiguille à tricoter piquée