Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/82

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je suis sûre qu’il a faim. — Elle me fit un petit discours odieux et sage, et dès que je le pus, je m’empressai de la quitter et je revins toute seule en méditant sur son point de vue qui n’est pas le mien.

C’est qu’il n’y a presque pas d’actions, — en dehors de celles que la morale réprouve absolument, — qui ne puissent se réclamer d’un devoir. Si l’on donne un sou à un pauvre, on satisfait à la charité, si on le lui refuse, c’est pour ne pas encourager la paresse, et l’avare se retranche avec bonheur derrière l’intérêt public. Le désir de la paix mène aux plus lâches complaisances ; le désir de justice remplit une maison de réclamations, de querelles, de l’insupportable tumulte d’une conscience perpétuellement indignée. Combien de gens font du mal en faisant le bien hors de propos, et combien se retranchent derrière une vertu inflexible et austère pour manquer à toutes les lois de la charité.

Toutefois il est évident que souvent un devoir paraît s’opposer à un devoir, qu’il y a un choix embarrassant à faire et que s’il est fait sans discernement, nous agissons mal avec la meilleure intention du monde. Ce sont là des erreurs communes dont nous souffrons nous-mêmes, dont nous faisons peut-être souffrir les autres, parce que, pour faire le bien, il ne suffit pas de le vouloir et d’être bon, il faut avoir assez d’intelligence pour comprendre toute la portée de nos paroles et de nos actes et pour prévoir