Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 15

n’obtinrent point de réponse. Marcinel ouvrit, fit quelques pas dans la chambre et murmura :

— C’est encore plus complet que je ne le croyais.

Il fallut quelque temps au président pour se rendre compte du spectacle auquel il était convié. Le taudis n’était éclairé que par une seule lucarne percée dans le toit, et dans laquelle un carreau brisé avait été remplacé par un vieux journal. Mais l’odeur de misère était épouvantable ; l’air empesté sentait les déjections, l’alcool, la pourriture…

Pas de meubles : deux paillasses, jetées dans les coins, laissant fuir leur contenu fétide par des déchirures, une chaise branlante, de la vaisselle brisée… Au milieu de la chambre, une femme évanouie dont le front saignait, et un homme ivre-mort, secoué de hoquets convulsifs. Et les yeux finissaient par apercevoir, tapis dans l’ombre, deux enfants hâves et déguenillés, regardant, sans un mot, avec terreur, leurs parents étendus et les deux visiteurs…

Quand ils eurent reconnu le gendarme, ils se cramponnèrent à sa tunique, suppliants et pleurards. La mère les avait envoyés mendier et les avait battus parce qu’ils ne rapportaient point assez de monnaie, et le père alors était rentré, furieux et avait frappé la femme. Des voisins confirmèrent ce récit, ajoutant que ces scènes étaient tellement fréquentes qu’ils n’y prenaient plus garde. Le mari était un paresseux, sans travail régulier, buvant tout ce qu’il pouvait gagner. La femme, depuis quelque temps, demandait aussi au genièvre la consolation de sa détresse. Les enfants, abandonnés, martyrisés, couraient les rues. Le ménage subsistait de secours parcimonieux du bureau de bienfaisance et de sociétés charitables…