Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/177

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concevoir comment nous aurions pu sentir quelque chose, quoi que ce soit.

Autrefois j’ai été plus loin ; j’ai soutenu que si nous ne connaissions d’existence que celle de notre vertu sentante, si nous ne connaissions pas les autres êtres, nous ne ferions éternellement que sentir des impressions, et que nous ne parviendrions jamais à sentir des rapports et des desirs ; qu’ainsi, dans cette supposition, nous n’aurions ni jugement ni volonté. Je suis très-convaincu que j’avais tort. Cependant cela mérite examen ; non pas assurément que je pense que mes opinions aient assez d’autorité pour qu’une erreur de ma part vaille la peine d’une discussion solennelle, mais parce que ceux qui auraient adopté mon ancienne opinion me diraient : vous avez prouvé autrefois qu’on ne peut vouloir que quand on connaît les corps ; vous montrez aujourd’hui qu’on ne peut connaître ces corps qu’en vertu de mouvemens sentis et voulus. Il s’ensuit que nous ne pouvons jamais les connaître, et que tout ce que vous avez dit là-dessus porte à faux. Ce raisonnement serait irréplicable. Aussi, quand j’ai dit que notre volonté ne peut naître tant que nous