Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/208

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de toutes les autres propriétés des corps, elle pourrait même appartenir à des êtres sans étendue, si nous pouvions en connaître ou même en concevoir de tels (voyez l’Extrait raisonné). Par cette raison, nous n’avons pas besoin de connaître autre chose de nous-mêmes que notre propre sentiment pour nous faire l’idée de durée : notre seule existence suffit. Je sens une impression actuelle ; dès que je puis porter le jugement que je l’ai déjà sentie, je puis prononcer que j’existe actuellement, que j’existais alors, et que j’ai continué d’exister dans l’intervalle. Tout cela est compris dans l’acte de reconnaître cette impression. Dès ce moment j’ai donc l’idée de durée, qui n’est autre chose que celle d’une succession d’impressions. Lorsque je connais d’autres existences que la mienne, quand j’aperçois un objet et que je m’assure que c’est bien le même que j’ai déjà vu, je lui applique cette idée de durée, je dis que cet objet a duré : cela ne souffre pas de difficulté. Mais si j’acquiers ainsi l’idée de durée, je n’acquiers pas de même la possibilité de mesurer cette durée ; car la succession de mes impressions n’est ni assez uniforme ni assez invariable pour me servir