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que nous prenons pour des idées nouvelles, et il est vraisemblable que nous sentons nos premières sensations sans savoir encore que nous avons des organes par où elles nous arrivent.

D’ailleurs, quand cela ne serait pas, quand ces connaissances seraient inséparablement liées à nos sensations et à nos souvenirs, il n’en serait pas moins vrai que sentir une sensation est un effet de la sensibilité, que sentir un souvenir est un effet de la mémoire, et qu’y joindre un jugement quelconque est un effet d’une troisième faculté dont nous allons parler.

Ce sont-là des distinctions qu’il ne faut jamais perdre de vue sous peine de tout confondre dans l’analyse de la pensée.

CHAPITRE IV.
Du Jugement et des Sensations de rapports.

La faculté de juger ou le jugement est encore une espèce de sensibilité ; car c’est la faculté de sentir des rapports entre nos perceptions.

Ces rapports sont des vues de notre esprit, des actes de notre faculté de penser, par lesquels nous rapprochons une idée d’une autre, par lesquels nous lions ces idées et les comparons ensemble d’une manière quelconque. Ces rapports sont des sensations internes du cerveau, comme les souvenirs.

La faculté de sentir des rapports est une conséquence presque nécessaire de celle de sentir des sensations ; car dès qu’on sent distinctement deux sensations, il s’ensuit naturellement qu’on sent leurs