Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, seconde partie.djvu/387

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développée, ce n’est qu’avec une peine extrême qu’on y parvient quand le jugement est formé. La raison en est simple. La mémoire seule peut servir à cette étude ; aucun raisonnement ne peut y aider. Au contraire, il faut à tout moment faire le sacrifice de son bon sens, renoncer à toute analogie, à toute déduction, pour suivre aveuglément l’usage établi qui vous surprend continuellement par son inconséquence, si, malheureusement pour vous, vous avez la puissance et l’habitude de réfléchir.

Or, j’en appelle à tous ceux qui ont un peu médité sur nos facultés intellectuelles : y a-t-il rien au monde de plus funeste qu’un ordre de choses qui fait que la première et la plus longue étude de l’enfance est incompatible avec l’exercice du jugement ? Et peut-on calculer le nombre prodigieux d’esprits faux que peut produire une si pernicieuse habitude qui devance toutes les autres ? C’est cette dernière considération, plus encore que l’utilité dont elle serait pour la poésie, pour l’éloquence, et pour l’étude des langues et de leur prosodie, qui me fait désirer que cette écriture, qu’on peut appeler philosophique, soit créée. Je suis convaincu