Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, seconde partie.djvu/41

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j’ai réellement fondé la science que d’autres ensuite perfectionneront. Juger c’est sentir des rapports entre nos idées ; cela est vrai. Mais cette expression dont je me suis servi après tant d’autres, ne dit pas d’une manière assez précise et assez exacte, ce que c’est réellement que l’opération de juger, que l’acte intellectuel appelé jugement. Juger n’est point sentir une idée nouvelle, c’est sentir qu’un être quel qu’il soit, ou plutôt l’idée que l’on en a (car nous ne sentons que nos idées), renferme une qualité, une propriété, une circonstance quelconque. Or cette qualité, cette propriété, cette circonstance quelconque, est elle-même une perception, une idée, puisque c’est une chose sentie. Juger, c’est donc sentir qu’une idée en renferme une autre. Quand je pense à Pierre, et que je juge que Pierre est bon, je sens que l’idée de Pierre renferme l’idée d’être bon, qu’elle la compte au nombre des élémens qui la composent actuellement. Il en est de même quand je juge qu’il n’est pas grand, qu’il est petit, qu’il n’a pas soif, qu’il est vieux, etc. Juger, porter un jugement, n’est jamais que cela, et ne peut jamais être autre chose. Juger n’est donc pas