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Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/322

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Contes d’un buveur de bière

autrement dit gognats ou bigles, aveugles, manchots, bancals, bancroches, boiteux, tortus, cagneux, culs-de-jatte, & le spectacle en était si bouffon que, dans la chapelle, on avait dû mettre dos à dos les saints qui tenaient compagnie au bienheureux saint Calixte. Si on les avait placés face à face, à voir une pareille collection de créatures bizarres & biscornues, il leur eût été impossible de se regarder sans rire.

Ce qui rendait la chose si amusante, c’eſt que toutes ces bonnes gens n’étaient rien moins que des écloppés. C’étaient, bien au contraire, des ci-devant malades que le saint avait guéris miraculeusement & qui, en reconnaissance, venaient le servir ainsi chaque année. Ils se plaisaient à simuler leurs maux passés, pour en rappeler l’image à tous les yeux & mieux jouir de la santé présente.

La messe finie, ils enlevaient bandages & bandeaux, jetaient loin d’eux béquilles & béquillons, & faisaient une guinse, je veux dire une noce, que le diable en prenait les armes. Et c’eſt pourquoi on n’appelait jamais le pèlerinage de Saint-Calixte autrement que la procession des Réjouis.