Page:Dick - L'enfant mystérieux, Tome I, 1890.djvu/80

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— Viens embrasser ton père, Ti-Toine ! dit à son tour le mari.

Et tous deux de se disputer le marmot, pour avoir ses premiers baisers. Mais le marmot, encore tout ensommeillé, n’entendait pas le badinage ce matin-là, paraît-il, car il redoubla ses bêlements et ne répondit aux avances des auteurs de ses jours que par des coups de poings et des ruades.

Il fallut, pour l’apaiser, lui fourrer dans la bouche une miche de pain trempée dans la crème. Alors, mais seulement alors, il livra aux lèvres de ses père et mère ses joues barbouillées.

— Vois-tu, le gaillard, si ça vous a déjà un appétit ! s’exclama Antoine avec orgueil.

— Hélas ! ce n’est que trop vrai ! soupira Eulalie. Puis elle ajouta aussitôt, en baissant la voix et regardant fixement son mari : pourvu qu’il y ait toujours de quoi le satisfaire, son appétit !

Le père courba la tête, et un nuage sombre envahit sa figure.

Cette rusée Eulalie, comme elle savait bien piquer son homme à la bonne place et avec quelle délicatesse de main elle vous retournait le couteau dans la plaie !