Page:Dick - Le Roi des étudiants, 1903.djvu/37

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mois auparavant, à une mort certaine !… trahi par l’homme qui me devait aussi la vie, par l’homme dont la bouche hypocrite me disait, la veille même, des paroles d’amitié, par le confident qui avait reçu tous les secrets de mon cœur !

C’était trop à la fois, et le coup qui m’atteignait en pleine poitrine était porté trop soudainement !… Un flot de sang me monta aux yeux et je dus me cramponner désespérément à un arbre, pour ne pas tomber.

Puis la réaction se fit, immense, terrible ; une froide rage serra mes tempes, et ce fut avec un calme effrayant que je me dis :

« Avant de les frapper, je dois les entendre. Je ne suis plus un amant ; je suis un juge ! Écoutons. »

Et, concentrant toutes les facultés de mon âme dans un seul sens : l’ouïe ; j’entendis mot à mot le dialogue suivant :

« En vérité, ma chère Louise, disait Lapierre, vous êtes trop pusillanime ce soir. Les ombres de la nuit vous feraient-elles peur et n’auriez-vous de courage qu’à la clarté du soleil ?

— Ne raillez pas, Joseph : j’ai peur, en effet, répondait la jeune fille.

— Peur de quoi ?

— Le sais-je ?… De tout : du vent qui agite le feuillage, du coassement des grenouilles au bord de la rivière, du cri des hibous, là-bas, dans ces gorges sombres…

— Allons donc !

— Il me semble que tous ces bruits et toutes ces voix de la nuit ne s’élèvent que pour me reprocher mon infidélité.

— Vous êtes folle, Louise : les hibous et les gre-