Page:Dick - Les pirates du golfe St-Laurent, 1906.djvu/39

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— Oui !

— Oh ! oh ! fit Gaspard, baissant lui aussi instinctivement la voix : pour le coup, j’y suis tout à fait.

— Ce n’est pas trop tôt ! goguenarda le capitaine du « Marsouin. »

— Ainsi, tu veux monter ce coup-là ?…

— Si l’occasion s’offre, oui.

— Attirer sur les brisants en face de nous quelque gros navire à cargaison, qui croira se guider sur la lumière de Forteau ?…

— Oui.

— Et charger le « Marsouin » des meilleurs morceaux de la susdite cargaison ?…

— Dame, mon vieux, pour les soustraire à une perte certaine. D’ailleurs, ne trouves-tu pas notre goélette un peu trop légère pour affronter la côte est de Terre-Neuve ?

— Ça, c’est vrai… Quelques milliers de kilogrammes lui donneraient plus d’aplomb et d’assiette.

— Tu vois bien qu’il nous faut de la marchandise ! conclut Thomas avec un cynisme incroyable.

Gaspard, au lieu de répondre, tendit l’oreille vers l’orient.

Une rumeur grandissante en arrivait.

Les crêtes des lames devenaient blanches, et les arbres des falaises, courbés sous de lourdes rafales de vent de « nordêt », faisaient entendre cette clameur continue qu’on dirait être produite par de puissantes chutes d’eau sur des rochers sonores.

Il faut dire ici que cette soudaine invasion du vent d’est avait été précédée, pendant près d’une heure, de la baisse graduelle du « sorouêt », qui n’avait eu d’haleine que pendant une demi-journée, — juste le temps nécessaire pour amener le « Marsouin » dans la baie de Forteau.

Tout de même, ce concours fortuit de circonstances qui favorisait les projets des deux compères parut d’un bon augure à maître Gaspard…