Page:Dick - Les pirates du golfe St-Laurent, 1906.djvu/43

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Le flot descendant, et rencontrant par là même cette haleine puissante qui semblait vouloir s’opposer à sa marche, se cabrait sous l’effort, se dressait en aigrettes, en pyramides, en mamelons, dont les sommets frangés d’écume s’apprêtaient avec mille bruits intraduisibles et retombaient sur le chaos liquide en une pluie sonore.

La nuit s’annonçait donc terrible, et vraisemblablement les marins engagés dans le détroit n’avaient qu’à gouverner juste, ou mieux qu’à se mettre à l’abri.

Mais le pourraient-ils avant d’atteindre, guidés par le phare, la baie de Forteau, où ils seraient en sûreté.

Là gisait le problème.

Question de vie ou de mort pour plusieurs de ces pauvres marins !

Affaire de gain ou de perte pour les affréteurs et les compagnies d’assurance !

Toutefois, ce tumulte des éléments dans le détroit n’empêcha pas, dès les premières ombres de la nuit, une petite embarcation, montée par deux hommes, de traverser la baie en ligne directe.

L’embarcation était la chaloupe du « Marsouin. »

Les deux hommes : Thomas Noël et le cuisinier Jean Brest.

Comme ils avaient dressé le mât et déployé une petite voile, la chaloupe eut tôt fait d’atteindre la rive opposée, où la mer était relativement tranquille.

On prit terre à quelque distance au nord du phare, dont le fanal projetait un immense cône de lumière blanche, s’élargissant au loin sur les eaux du détroit.

Il faut dire ici qu’à l’époque où se passaient les événements racontés dans cette véridique histoire, le luminaire officiel destiné à baliser les voies maritimes était loin d’avoir acquis ce degré de perfectionnement qu’il possède aujourd’hui.