Page:Dick - Les pirates du golfe St-Laurent, 1906.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tout étant ainsi ordonné, on leva l’ancre et le « Vengeur », tout son canevas de toile au vent, tourna le cap au sud et prit sa course vers la côte occidentale de Terre-Neuve.

Il était jour depuis longtemps et une jolie brise de vent d’ouest rafraîchissait agréablement l’atmosphère toute ensoleillée.

Les rives de la grande île, qui, comme une énorme sentinelle, garde l’entrée du golfe Saint-Laurent, se profilaient, sur le bleu-sombre de l’horizon méridional, avec une crudité vaporeuse et semblaient fumer au soleil matinal pour se débarrasser des rosées nocturnes.

Les marins du « Vengeur », les yeux fixés sur ce panorama magique qui se magnifiait à mesure qu’avançait leur vaisseau, pouvaient à peine se défendre d’éprouver l’illusion que c’était le paysage terreneuvien qui venait à eux, et non eux qui allaient à lui.

Cette sorte d’illusion visuelle est fréquente, et il suffit, pour en éprouver la curieuse impression, de s’isoler du véhicule qui nous transporte et de ne concentrer son regard que sur le but à atteindre.

Cependant le yacht filait toujours…

Après deux heures de course, avait parcouru vingt-cinq milles, et les côtes occidentales de Terre-Neuve apparaissaient dans toute leur sauvage majesté, hérissées de caps rougeâtres et dentelées de baies capricieuses.

Droit en face de la proue du « Vengeur » s’ouvrait la baie d’ « Ingrenachaig », dont la rive septentrionale est elle-même échancrée par trois petites baies secondaires.

Le yacht s’y engouffra et fendit les eaux calmes de ce bras de mer, jusqu’au delà de la pointe « Naunders », d’où l’on put voir le fond de la baie, absolument vierge de tout vaisseau d’un certain tonnage.

Il n’y avait plus qu’à virer de bord et à gagner le golfe.

C’est ce qui fut fait sans une minute de retard.

Le cap fut mis sur le « Grand-Mécatina », qui dresse ses hauts mornes sous la même longitude que Kécarpoui, mais plusieurs milles en amont, si l’on tient compte de la direction oblique du fleuve par rapport au méridien de la Terre.