Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/111

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« Alors, qu’est-ce que vous venez me chanter, que ce soir vous allez faire un tour ensemble jusqu’à Londres… vous trois… pour vous en rapporter au témoignage de vos sens ? Est-ce que, leur dit M. Willet, mettant sa pipe entre ses dents d’un air de dégoût solennel, le témoignage de mes sens, à moi, ne vous suffit pas ?

— Mais, dit humblement Parkea pour s’excuser, nous n’en avons pas connaissance, Jeannot.

— Vous n’en avez pas connaissance, monsieur ? répéta M. Willet en le toisant des pieds à la tête. Ah ! vous n’en avez pas connaissance ? Vous en avez connaissance, monsieur. Ne vous ai-je pas dit que Sa benoîte Majesté le roi Georges III ne laisserait pas plus l’émeute rigoler dans les rues de sa bonne ville de Londres, qu’il ne se laisserait lui-même insulter par son parlement ?

— À la bonne heure, Johnny ; mais c’est là le témoignage de votre bon sens ; ce n’est pas le témoignage de vos sens, risqua M. Parkes.

— Et qu’en savez-vous ? repartit John avec une grande dignité. Vous vous permettez là des contradictions un peu lestes, monsieur. Qu’en savez-vous, si c’est l’un plutôt que l’autre ? je ne croyais pas vous l’avoir dit encore, monsieur. »

M. Parkes, se voyant embarqué dans une discussion métaphysique dont il ne savait trop comment se tirer, balbutia une apologie et battit en retraite devant son antagoniste. Il s’ensuivit un silence de dix ou douze minutes, après lequel M. Willet se mit à grommeler, à branler la tête en éclatant de rire, et à faire l’observation, à propos de son défunt adversaire, « qu’il l’avait joliment arrangé. » Sur quoi MM. Cobb et Daisy rirent aussi avec des signes de tête affirmatifs, et Parkes fut définitivement considéré comme un homme mort.

« Vous imaginez-vous que, si tout cela était vrai, M. Haredale serait toujours dehors, comme il est ? dit John, après une autre pause. Croyez-vous qu’il n’aurait pas peur de laisser sa maison toute seule avec deux jeunes femmes et une couple de serviteurs pour toute défense ?

— C’est vrai, mais c’est peut-être parce que son château est à une bonne distance de Londres ; vous savez qu’on dit