Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/129

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CHAPITRE XIV.

Les bonnes gens du Maypole, qui ne se doutaient guère du changement qui bientôt allait se faire dans leur rendez-vous favori, entrèrent dans la forêt pour se rendre à Londres. Ils ne prirent pas la grand’route, pour éviter la chaleur et la poussière, et se tinrent dans les sentiers à travers champs. À mesure qu’ils approchaient de leur destination, ils se mirent à faire des questions aux gens qui passaient, sur l’émeute, sur la vérité ou la fausseté des récits qu’on leur en avait faits. Les réponses qu’ils reçurent laissaient bien loin derrière elles les chétives nouvelles qui avaient pénétré dans la paisible bourgade de Chigwell. Un homme leur dit que, cette après-midi même, la troupe, chargée de conduire à Newgate quelques émeutiers qu’on venait d’interroger en justice, avait été attaquée par la populace et forcée de faire retraite ; un autre, que l’on était en train de démolir la maison de deux témoins à charge près de Clare-Market, au moment où il était parti de Londres ; un autre, que l’on devait mettre ce soir le feu à celle de sir Georges Saville, dans le quartier de Leicester-Field, et que sir Georges passerait un mauvais quart d’heure s’il tombait entre les mains du peuple, parce que c’était lui qui avait présenté le bill en faveur des catholiques. Tous s’accordaient à dire que l’émeute était à l’œuvre, plus forte et plus nombreuse que jamais ; qu’il ne faisait pas bon dans les rues ; que l’épouvante publique croissait à chaque moment, et qu’il y avait déjà un grand nombre de familles qui s’étaient sauvées à la campagne. Passa un drôle qui portait les couleurs populaires et qui les insulta pour n’avoir point de cocardes à leurs chapeaux, en leur recommandant d’aller voir le lendemain soir une fameuse poussée qu’on allait donner aux portes de la prison. Un autre leur demanda si c’est qu’ils étaient incombustibles, de sortir ainsi sur les chemins sans porter la marque distinctive des honnêtes gens ; enfin un troisième, qui allait à cheval, tout seul, leur ordonna de lui