Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/138

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aux yeux des hommes pour mort et enterré, mais que le ciel avait réservé pour ce jour de vengeance. Enfin…. enfin, je te tiens, toi dont les mains sont teintes du sang de mon frère et de celui de son fidèle serviteur que tu as répandu après, pour cacher ton premier crime ! Toi, Rudge, double assassin, double monstre ; je t’arrête au nom de Dieu, qui vient de te remettre entre mes mains. Non, non. Tu aurais la force de vingt hommes comme toi, ajouta-t-il en voyant que le meurtrier luttait contre ses étreintes, non, tu ne m’échapperas pas, tu resteras cette nuit dans mes serres. »


CHAPITRE XV.

Barnabé, armé comme nous l’avons vu, continuait de se promener de long en large devant la porte de l’écurie, enchanté de se retrouver seul, et savourant avec plaisir le silence et la tranquillité dont il avait perdu l’habitude. Après le tourbillon de bruit et de tapage où il avait passé les jours derniers, il n’en sentait que mieux mille fois la douceur de la solitude et de la paix. Il se sentait heureux : appuyé sur le manche du drapeau, plongé dans ses rêveries, il avait sur toute sa figure un sourire radieux, et son cerveau ne nourrissait que des visions joyeuses.

Croyez-vous qu’il ne pensait pas à Elle, à celle dont il était le seul bonheur, et qu’il avait, sans le savoir, plongée dans cet abîme d’affliction amère ? Oh ! que si : c’était elle qui était au cœur de ses plus brillantes espérances, de ses réflexions les plus orgueilleuses ; c’était elle qui allait jouir de tout cet honneur, de toute cette distinction de son fils : la joie et le profit, tout pour elle. Quelle félicité pour elle d’entendre faire l’éloge des prouesses de son pauvre garçon ! Ah ! Hugh n’avait pas besoin de le lui dire, il l’aurait bien deviné de lui-même. Et puis, comme il était heureux encore de savoir qu’elle nageait dans l’aisance et qu’elle se rengorgeait (il se figurait son air digne et fier dans ces moments là) en entendant la haute estime qu’on faisait de lui, le brave