Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/88

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Mlle Miggs, je laisse au premier une caisse d’effets : vous en ferez ce que vous voudrez. Moi, je n’en ai pas besoin. Je ne reviendrai plus ici. Vous n’avez, monsieur, qu’à chercher un ouvrier : je ne suis plus l’ouvrier que de ma patrie ; désormais voilà dans quelle partie je travaille.

— Dans deux heures d’ici vous ferez tout ce que vous voudrez ; mais, pour le moment, allez vous coucher, reprit le serrurier en se plantant devant le passage de la porte. Vous m’entendez ? allez vous coucher.

— Oui, je vous entends, et je me moque de vous, Varden, répondit Simon Tappertit. J’ai été ce soir à la campagne, arranger une expédition qui fera tressaillir de crainte votre âme de serrurier, poseur de sonnettes. C’est une affaire qui demande toute mon énergie : laissez-moi passer.

— Si vous faites seulement mine d’approcher de la porte, je vous flanque par terre : ainsi vous ferez bien d’aller vous coucher. »

Simon, sans rien répondre, se releva aussi droit qu’il put, et piqua une tête dans le beau milieu de la poitrine de son vieux patron, sur quoi les voilà tous les deux dans la boutique, accrochés l’un à l’autre, les mains et les pieds si bien entortillés, qu’on aurait cru voir en peloton une demi-douzaine de combattants pour le moins ; je crois même que Miggs et Mme Varden en comptaient douze, au milieu de leurs cris perçants.

Varden n’aurait pas eu de mal à terrasser son ancien apprenti et à le réduire, pieds et poings liés. Mais il lui répugnait de le malmener dans cet état d’ivresse sans défense : il se contentait donc de parer, quand il pouvait, ses coups, les acceptant pour bons quand il ne pouvait pas les parer, restant toujours entre Simon et la porte, et attendant qu’il se rencontrât quelque occasion favorable de le forcer à faire retraite dans l’escalier et de l’enfermer sous clef dans sa chambre. Mais le brave homme avait trop compté sur la faiblesse de son adversaire ; il n’aurait pas dû oublier que souvent tel ivrogne, qui n’a plus la force de se soutenir, n’en court pas moins comme un lapin. Simon Tappertit, prenant le temps à propos, fit traîtreusement semblant de tomber en arrière, et, pendant que l’autre se baissait pour le ramasser, il fut, en un clin d’œil, sur ses jambes, passa devant lui