Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/107

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coude, éprouva quelque peine, dans l’ivresse de sa joie, à conduire ma pauvre amie dans la pièce d’à côté.

« Miss Summerson, me dit son fils, pardonnez à une mère l’expression un peu vive des sentiments que lui inspire le bonheur de son enfant. »

Je n’aurais pas cru qu’il fût possible d’être aussi rouge que le devint M. Guppy lorsque je levai mon voile.

« Si je vous ai prié de me recevoir chez vous, lui dis-je sans avoir l’air de remarquer son trouble, c’est parce que j’ai pensé qu’il valait mieux venir ici que d’aller chez M. Kenge, me rappelant ce que vous m’aviez dit à Bleak-House.

— Miss Summerson, balbutia le pauvre jeune homme dont l’embarras était au comble, je… veuillez m’excuser… mais dans notre profession la franchise est nécessaire ; vous venez de rappeler une circonstance où j’eus l’honneur de… de vous faire une déclaration que… »

Il porta la main à son gosier comme si quelque chose l’étranglait, fit une grimace, toussa deux ou trois fois, essaya vainement d’avaler ce qui le gênait, toussa de nouveau et finit par me dire qu’une « sensation inexprimable, une espèce de vertige venait de le prendre ; je suis un peu sujet à ces sortes de spasmes…, poursuivit-il ; hum… ; je voulais vous faire observer, miss… (quelque chose dans les bronches) hum… vous faire observer que vous aviez repoussé, dans ladite circonstance, la déclaration que je viens d’avoir l’honneur de vous rappeler. Bien que nous n’ayons pas de témoins, ce pourrait être une satisfaction pour vous de…

— Je me souviens parfaitement d’avoir décliné toutes vos propositions, monsieur Guppy, et sans aucune réserve.

— Je vous remercie, dit-il en arpentant la table d’une main tremblante. Cet aveu complet… vous fait honneur. Hum… quelque bronchite, assurément ; hum ! vous ne vous offenserez point si je vous rappelle que… non pas qu’il soit nécessaire de le démontrer à un esprit comme le vôtre, si je vous rappelle ici que la déclaration que je vous fis alors ayant été rejetée, l’affaire ne devait avoir aucune suite, et que…

— C’est ainsi que je l’ai toujours entendu, croyez-le bien, monsieur.

— Et vous ne refuseriez pas de le reconnaître si…

— Je le reconnais au contraire pleinement et librement.

— Merci mille fois ; c’est fort honorable de votre part ; je regrette que l’état de mes affaires, joint à des circonstances que je ne puis maîtriser, ne me permette pas de vous renouveler cette