Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/146

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— Je suis toujours sans place ; trouvez-m’en une ; et, si vous ne pouvez pas, employez-moi à la poursuivre, à la traquer, à la déshonorer. Je vous aiderai de tout mon cœur. La déshonorer ! c’est tout ce que vous voulez ; est-ce que je ne le sais pas ?

— Il paraît, mademoiselle, que vous savez beaucoup de choses.

— Pensez-vous que je sois assez bête pour croire que vous m’avez fait venir ici, en présence de ce balayeur, simplement à propos d’une gageure ? répond-elle d’un air à la fois ironique et doucereux, qui se transforme tout à coup en fureur méprisante.

— Fort bien, dit l’avoué toujours impassible, résumons-nous : Vous êtes venue pour me faire une demande que je trouve excessivement modeste ; mais pourtant s’il m’était impossible de vous contenter, que feriez-vous ? Probablement, vous reviendriez à la charge.

— Et encore, et toujours, répond Mlle Hortense en hochant la tête avec colère.

— Et non-seulement vous reviendriez ici, mais vous retourneriez sans doute chez M. Snagsby ?

— Certes, que j’y retournerais ; et encore et toujours, dit-elle convulsivement.

— Très-bien, mademoiselle ; mais, croyez-moi, prenez la bougie et ramassez vos deux pièces d’or qui sont dans le coin, là-bas, derrière le banc du clerc. »

Elle regarde l’avoué par-dessus l’épaule, et croise les bras en riant avec mépris.

« Vous ne voulez pas ?

— Non, je ne veux pas.

— Vous en serez un peu plus pauvre, et moi un peu plus riche ; voilà tout. Regardez bien cette clef, mademoiselle ; c’est la clef de ma cave. Elle est grosse, n’est-ce pas ? mais la clef d’une prison est bien plus grosse encore. Il y a dans cette ville des maisons de correction, dont les portes sont épaisses et dont probablement les clefs sont énormes. J’ai peur qu’il ne soit désagréable pour une femme de votre humeur et de votre activité d’entendre tourner sur elle pour quelques années une clef comme celles-là. Qu’en pensez-vous, mademoiselle ?

— Je pense que vous êtes un misérable !

— Sans doute, répond M. Tulkinghorn en se mouchant ; mais je ne vous demande pas l’opinion que vous avez de moi, je vous demande ce que vous pensez d’une prison.

— Est-ce que ça me regarde ?