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— Comment, alors, supposez-vous qu’il ait pu déchiffrer ce nom que vous savez ? reprend M. Guppy en décroisant et en recroisant ses jambes.

— Il ne l’a pas déchiffré le moins du monde ; seulement, avec la singulière faculté d’imitation dont il est doué, il a copié ce nom, évidemment sur l’adresse de quelque lettre, et m’a demandé de le lui lire ; j’ai répondu, comme de juste, que cela faisait Hawdon, et c’est ainsi qu’il l’a su.

— Vous ne savez pas si l’original est écrit par un homme ou par une femme ? demande encore M. Guppy en décroisant et en recroisant de nouveau ses jambes.

— Par une femme ; et je parierais cent contre un que c’est une lady ; écriture fine et penchée ; le dernier jambage de la lettre n jeté à la hâte et d’une longueur démesurée. »

Pendant tout ce dialogue, M. Guppy a mordillé l’ongle de son pouce en changeant de pouce chaque fois qu’il change de jambe. Au moment où il va renouveler cette manœuvre, il laisse tomber son regard sur la manche de son habit ; quelque chose y attire son attention ; ses yeux s’arrondissent et la stupeur se peint sur son visage.

«  Est-ce que le feu est dans la cheminée, Tony ? s’écrie-t-il.

— Pourquoi ? dit M. Weevle.

— Regardez sur ma manche, reprend M. Guppy ; et sur la table ! n’est-ce pas de la suie qui tombe ? Mais quelle suie ! quelle odeur ! on dirait de la graisse noire ! »

Ils échangent un coup d’œil ; Tony ouvre la porte, écoute un instant, monte quelques marches, en descend quelques autres ; revient à sa place en disant que tout est tranquille ; ce n’est toujours, selon lui, que le résultat des côtelettes qu’on fait cuire aux Armes d’Apollon.

«  Et c’est alors, reprend M. Guppy en regardant sa manche avec un dégoût inexprimable, que ce vieux ladre vous a dit avoir trouvé ces lettres dans le portemanteau de son locataire ?

— Précisément, répond Tony en caressant ses favoris ; sur quoi j’écrivis un mot à mon cher camarade, l’honorable Guppy, dans le but de l’informer du rendez-vous qui m’était donné pour cette nuit, et de l’avertir de ne pas arriver trop tôt, parce que le diable est un fin matois. »

La légèreté fashionable qu’affecte ordinairement Tony, l’abandonne ce soir. L’émotion lui fait même négliger jusqu’à ses favoris ; il regarde derrière lui par-dessus son épaule et paraît céder tout à coup à un horrible frisson.

«  Vous devez prendre les lettres, les apporter ici pour les lire,