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seuses, le roulement lointain des voitures et le bruit confus de la cité, qui prouve qu’autour d’eux il y a des hommes qui vont et viennent, leur font éprouver un véritable soulagement.

M. Guppy frappe doucement sur le bord de la fenêtre.

«  À propos, dit-il à voix basse et d’un ton dégagé, n’oubliez pas que je n’ai rien dit au vieux Smallweed (désignant ainsi le jeune Bart). Son grand-père est d’une finesse trop pénétrante : toute la famille en serait bientôt informée.

— Je le sais, répond Tony.

— Et pour en revenir au chancelier, reprend M. Guppy, croyez-vous qu’il ait réellement en sa possession quelques autres papiers d’une véritable importance, comme il s’en est vanté auprès de vous ?

— Je ne sais pas, répond Tony en secouant la tête. Si nous pouvons mener à bien cette affaire sans éveiller ses soupçons, il me deviendra facile d’en savoir davantage. Je ne puis en rien dire avant de les avoir vus, puisque lui-même en ignore le contenu. Il s’occupe sans cesse d’épeler quelques mots qu’il retrace à la craie sur la table ou sur le mur ; puis il me les fait lire, et quant à présent tout se borne là ; mais je suis persuadé que tout cela n’est que de méchant papier sans valeur qu’il achète avec ses vieux chiffons. C’est sa monomanie de penser qu’il a entre les mains des documents précieux. Depuis vingt-cinq ans il tâche d’apprendre à lire afin de les déchiffrer, mais sans aucun succès, voilà ce qu’il y a de certain.

— Comment l’idée lui en est-elle venue ? c’est là toute la question, demande M. Guppy après avoir médité quelques minutes et en fermant un œil. Il est possible qu’il ait trouvé ces papiers dans quelque vieille harde, et qu’il ait supposé, d’après le soin qu’on avait pris de les cacher, qu’ils n’étaient pas sans importance.

— Ou bien qu’on l’ait mis dedans en lui faisant accroire qu’ils avaient de la valeur ; que, troublé par la boisson, il leur ait accordé un intérêt imaginaire, ou qu’à force de fréquenter la cour et d’y entendre parler de documents, il se soit figuré que ces paperasses étaient des titres sérieux, » dit M. Weevle.

M. Guppy hoche la tête en pesant dans son esprit toutes ces possibilités, et continue, d’un air pensif, à frapper en cadence l’appui de la fenêtre sur lequel il est assis, lorsque, retirant vivement la main, il s’écrie avec horreur :

«  Que diable ça peut-il être ! »

Un liquide jaune et visqueux découle de ses doigts et blesse encore plus l’odorat que la vue et le toucher. Une huile épaisse