Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/300

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pansée de tout le stud, il ne s’était jamais douté qu’elle se dérobât à la course. » Remarque étincelante qui est reçue avec frénésie par les membres du Jockey-Club.

Milady reste encore l’intérêt le plus vif de ces réunions qu’elle a toujours embellies ; l’astre principal du firmament dont elle éclipsait hier encore les plus pures étoiles. « Comment ? qu’est-ce que c’est ? qui donc ça ? quand donc ça ? où donc ça ?… » Ses plus chers amis la vilipendent dans le jargon le plus élégant, de l’accent le plus nouveau, avec la perfection d’une indifférence polie. L’un des traits caractéristiques de ce thème inépuisable, est d’inspirer certaines gens à qui jusque-là on ne croyait nul esprit, et qui ont trouvé à ce sujet de véritables bons mots. William Buffy colporte une de ces piquantes saillies de la table d’hôte où il dîne à la Chambre des Lords, où le chef du parti la fait circuler avec sa tabatière, afin d’empêcher ses hommes de quitter la séance, et où elle produit tant d’effet que l’Orateur, à qui on le glisse à l’oreille par-dessous sa perruque, s’écrie à trois reprises différentes :

« Silence donc au buffet ! » sans obtenir le moindre résultat.

Ce qui n’est pas moins étonnant, c’est que les gens placés sur les confins du grand monde, des gens qui n’ont jamais vu milady et ne la connaissent pas du tout, croient nécessaire à leur réputation de la prendre aussi pour thème de leur conversation, et de la déchiqueter avec le jargon, l’accent, le genre le plus à la mode, l’indifférence polie la plus élégante qui n’en a pas moins de succès dans les régions inférieures des constellations secondaires, quoique ce ne soient plus déjà que des nouvelles de seconde main. Quelle bonne fortune pour un homme de lettres, un savant ou un artiste, quand il s’en rencontre parmi ces petits revendeurs de vieilles nouveautés, de trouver sur son chemin ces béquilles heureuses pour raviver un peu la marche languissante des neuf sœurs depuis longtemps éreintées et boiteuses !

Et pendant ce temps-là que se passe-t-il au fond de l’hôtel Dedlock ? Sir Leicester a recouvré la parole, bien qu’il s’exprime toujours d’une façon peu distincte et avec une extrême difficulté ; on lui a recommandé le repos et le silence, et on lui a donné quelques grains d’opium pour apaiser ses douleurs ; car la goutte, sa vieille ennemie, le fait horriblement souffrir. Il ne dort pas malgré l’état de somnolence où il paraît plongé ; il a fait approcher son lit de la fenêtre, et regarde la neige qui depuis le matin n’a pas cessé de tomber.

Au moindre bruit qui se fait entendre, il saisit son crayon ;