Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/307

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milier maintenant nécessaire ; c’est une chose bien entendue, sans qu’on ait eu besoin de le dire. Le troupier se tient seulement un pas ou deux en arrière, pour se dissimuler et monte la garde derrière la chaise de sa mère.

Le jour commence à décliner ; le brouillard et le givre, qui ont remplacé la neige, s’épaississent peu à peu, et la flamme du foyer jette une clarté plus vive ; l’ombre s’étend, le gaz s’allume, et les petites lampes qui s’obstinent à brûler sur ce noble terrain avec une huile figée, moitié gelée, moitié liquide, jettent des lueurs intermittentes, clignent et meurent comme des poissons enflammés sortis de leur élément. Le beau monde qui est venu faire rouler ses voitures sur la paille étendue devant la porte, et tirer la sonnette pour demander des nouvelles du baronnet, rentre chez soi, s’habille pour le dîner, et jase de la manière la plus agréable sur le compte de cette chère milady.

Sir Leicester va plus mal ; il est très-agité et souffre horriblement ; Volumnia, qui est prédestinée à faire toujours quelque chose d’agaçant pour les autres, allume une bougie qu’on la prie d’éteindre aussitôt, parce qu’il ne fait pas assez nuit. Elle renouvelle sa tentative ; sir Leicester lui dit encore de souffler sa bougie ; la nuit ne sera pourtant pas plus profonde qu’elle ne l’est à présent ; mistress Rouncewell devine la première qu’il veut se faire illusion et se persuader qu’il est encore de bonne heure.

« Sir Leicester, mon très-cher et très-honoré maître, lui dit-elle à demi-voix, permettez que, pour votre bien, je prenne la liberté de vous supplier de ne pas rester ainsi dans les ténèbres, qui ajouteraient à ce que l’attente a de pénible ; laissez-moi tirer les rideaux et allumer les bougies ; l’horloge n’en marchera pas plus lentement, et milady n’en arrivera pas plus tard.

— Je le sais, mistress Rouncewell ; mais je suis si faible ; et il y a si longtemps que M. Bucket est parti.

— Non, sir Leicester ; il n’y a pas encore vingt-quatre heures.

— Mais c’est bien long vingt-quatre heures ; oh ! oui, bien long ! » répond-il avec un sanglot qui brise le cœur de la vieille dame.

Ce n’est pas le moment d’apporter de la lumière ; elle le comprend ; les larmes du maître sont trop sacrées pour être vues même par sa vieille femme de charge ; aussi va-t-elle se rasseoir en silence et dans l’ombre ; puis elle se lève doucement, attise le feu, s’approche de la fenêtre, et regarde au dehors. Sir Leicester recouvre enfin son empire sur lui-même et l’appelle. « Vous avez raison, lui dit-il ; cela n’aggrave pas les choses d’en convenir ; il