Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/310

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qui appuie cette motion plus aigrement que jamais : « Eh bien ! emmenez-moi, et faites de moi ce que vous voudrez. »

M. Georges croit convenable de lui offrir le bras jusqu’à la porte de sa chambre, et reprend ensuite la ronde qu’il avait commencée.

Le temps est toujours aussi affreux ; des corniches, des piliers, du perron jusqu’au toit dégoutte la neige fondue qui ruisselle le long des murs ; elle rampe, comme pour s’y abriter, sous le linteau de la grande porte ; elle s’insinue dans les rainures des fenêtres, dans les plus petites crevasses, d’où bientôt elle s’écoule ; et sur le toit, sur le vitrage de l’escalier, même à travers ce vitrage, elle tombe : drip, drip, drip, avec la régularité des pas du spectre sur le promenoir du revenant.

M. Georges, à qui cette vaste demeure rappelle Chesney-Wold et son enfance, remonte lentement l’escalier en regardant autour de lui ; il pense à tout ce qui lui est arrivé depuis quelques jours ; à ce vieillard assassiné dont l’image est si vivante dans sa mémoire ; à celle qui a disparu et dont il retrouve les traces récentes à chaque pas qu’il fait dans l’hôtel ; au maître de cette maison et aux paroles de sa mère : « Qui donc osera lui dire la vérité ? » Il regarde çà et là, prêt à mettre la main sur le premier objet douteux qu’il croira découvrir ; mais rien dans l’ombre qu’il traverse, rien que le vide et le silence.

« Tout est prêt, n’est-ce pas, Georges ? le feu va toujours bien ?

— Parfaitement, sir Leicester.

— Et pas de nouvelles ? »

Le sergent secoue la tête.

« Pas de lettre oubliée par mégarde ? »

Il sait bien que la chose est impossible, et repose sa joue sur l’oreiller sans attendre de réponse.

Georges continue de le veiller pendant les dernières heures de cette longue nuit d’hiver ; attentif à ses moindres gestes, il le soulève, le place dans une meilleure position ; et comprenant sa pensée, il éteint les bougies, tire les rideaux et rouvre les volets dès que la nuit commence à se dissiper. Le jour paraît enfin ; un jour pâle, indécis, glacé comme un fantôme, il se fait précéder d’une lueur livide et semble dire : « Regardez ce que je vous apporte, vous qui veillez ici. Qui de vous osera lui dire la vérité ? »