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ce n’était pas un sujet de conversation bien intéressant pour M. Vholes, qui, pourtant, à l’occasion, bâillait d’une certaine manière qu’on pouvait prendre, si l’on voulait, pour un sourire. Il se leva quelques instants après le dîner et demanda la permission de retourner à son étude.

« Je vous reconnais là, s’écria Richard, toujours le même et tout entier aux affaires.

— Oui, monsieur, avant tout l’intérêt des clients ; c’est l’unique pensée d’un homme de loi comme moi, qui tient à conserver l’estime de ses collègues et à mériter celle des gens respectables. La privation que je m’impose, en renonçant à la société de ces dames, n’est pas étrangère à vos propres intérêts, monsieur Carstone. »

Richard lui en exprima sa gratitude et le reconduisit jusqu’au bas de l’escalier. Quand il revint, il nous répéta plusieurs fois que M. Vholes était un excellent avoué ; rempli de zèle, de probité, de franchise ; et mit tant d’insistance à nous prouver la bonne foi de cet honnête homme, qu’évidemment il commençait à en douter lui-même.

Accablé de fatigue, il se jeta sur le divan. Lorsque nous eûmes tout rangé, car ma pauvre chérie n’avait qu’une femme de ménage, Éva se mit au piano et chanta les romances favorites de Richard ; nous avions porté la lampe dans la pièce voisine parce qu’il s’était plaint de ce que la lumière lui faisait mal aux yeux ; j’allai m’asseoir à côté de ma chère fille, et je sentais l’émotion me gagner en écoutant sa douce voix. Richard aussi était ému ; et j’imagine que c’est pour cela qu’il avait fait emporter la lampe.

Éva chantait depuis quelque temps, lorsque entra M. Woodcourt. Il se plaça auprès de notre pauvre ami ; et, se mettant à causer d’un ton moitié plaisant, moitié sérieux, il finit par lui faire dire comment il se trouvait et ce qu’il avait fait dans la journée. Enfin il lui proposa une courte promenade, l’engageant à profiter d’un temps magnifique et d’un beau clair de lune. Richard accepta avec empressement et je restai seule avec Éva.

Elle était toujours au piano et j’avais gardé ma place auprès d’elle. Quand ces messieurs furent partis, je passai mon bras autour de sa taille ; elle mit sa main gauche dans la mienne et de l’autre continua d’effleurer les touches d’ivoire mais sans les faire parler.

« Je ne suis jamais plus tranquille, et Richard n’est jamais plus heureux, me dit-elle enfin, rompant le silence la première, que lorsqu’il est avec M. Woodcourt ; et c’est vous qu’il faut en remercier, dame Durden. »