Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/356

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de vous être agréable, ne vous soit importune. J’ai servi autrefois dans les dragons, et l’un de mes camarades pour lequel j’avais un certain faible, était, je crois, votre parent. N’avez-vous pas eu un frère qui fut le tourment de sa famille, et qui partit un beau jour, n’ayant jamais rien fait de bon dans sa vie que de ne jamais reparaître ?

— Êtes-vous bien sûr, dit le maître de forges d’une voix troublée, êtes-vous bien sûr que vous vous nommez Steel ? »

Le sergent balbutie et regarde son frère, qui se lève en l’appelant par son nom et lui saisit les deux mains.

« Tu es trop fin pour moi, s’écrie M. Georges dont les larmes jaillissent aussitôt. Comment vas-tu, mon vieil ami ? Je n’aurais jamais cru que tu fusses aussi content de me voir. Comment vas-tu, mon vieil ami ? comment vas-tu ? »

Ils se serrent les mains et s’embrassent mille et mille fois ; Georges ne cessant d’accoupler à sa phrase « comment vas-tu, mon vieil ami ? » la protestation qu’il n’aurait jamais cru que son frère fût à moitié aussi content de le revoir.

« J’étais même si loin de le penser, dit-il après avoir raconté comment il est venu, que j’avais dans l’idée de ne pas me faire reconnaître ; je pensais à t’écrire dans le cas où tu aurais écouté mon nom avec indulgence ; mais je n’aurais pas été surpris si tu n’avais pas voulu entendre parler de moi.

— Tu verras tout à l’heure, Georges, quel accueil on fait chez moi à ton nom et avec quelle joie on y apprend de tes nouvelles. C’est aujourd’hui grande fête à la maison, et tu ne pouvais pas, vieux soldat bronzé, arriver un meilleur jour. Ce soir, je promets à mon fils Watt, que d’aujourd’hui en un an il épousera la plus jolie fille et la meilleure que tu aies jamais vue dans tes voyages. Elle part demain pour l’Allemagne avec une de tes nièces, afin de terminer son éducation ; et nous avons, pour célébrer les fiançailles, une petite fête dont tu seras le héros. »

Cette pensée confond tellement M. Georges, qu’il repousse de toutes ses forces l’honneur qu’on lui propose ; mais vaincu par son frère et par son neveu, et protestant toujours qu’il n’aurait jamais pensé qu’on fût si content de le voir, il se laisse conduire à une maison élégante, où se remarque, à l’intérieur, un heureux mélange des habitudes de simplicité du père et de la mère, et de celles que l’éducation et la fortune ont données à leurs enfants. M. Georges est de plus en plus troublé par la grâce et la distinction des filles de son frère ; par la beauté de Rosa, sa future nièce, l’accueil affectueux et empressé que lui font