Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/365

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Je ne pouvais assez exprimer combien j’admirais tout cela ; mais je me demandais en moi-même s’il en serait plus heureux. N’aurait-il pas mieux valu pour son repos que je n’eusse pas été ainsi rappelée à sa mémoire ? car il m’aimait ; et sans me flatter d’atteindre l’idéal qu’il croyait trouver en moi, tout cela ne ferait que lui faire regretter davantage ce qu’il croyait avoir perdu. Je ne désirais certainement pas qu’il m’oubliât, et peut-être n’avait-il besoin d’aucune aide pour se souvenir de moi ; mais ma route était plus facile que la sienne, et je me serais résignée, même à son oubli, s’il avait dû en être plus heureux.

« Maintenant, petite femme, dit mon tuteur que je n’avais jamais vu si rayonnant et si fier, maintenant, il ne nous reste plus à connaître que le nom de cette maisonnette.

— Comment la nommez-vous, tuteur ?

— Venez voir, chère enfant. »

Il m’emmena vers le portail que jusqu’alors il avait eu le soin d’éviter, et s’arrêtant tout à coup : « Enfant, me dit-il, est-ce que vous ne devinez pas ?

— Non, » répondis-je.

Nous franchîmes la porte, et il me montra le nom de Bleak-House gravé sur la façade.

Puis me conduisant à un banc caché au milieu du feuillage, et s’asseyant à côté de moi :

« Chère fille, me dit-il en me prenant la main, depuis que je vous connais, j’ai toujours éprouvé pour vous une vive sollicitude, et j’espère vous l’avoir témoigné ; quand je vous écrivis cette lettre, dont vous m’avez apporté la réponse, je pensais beaucoup trop à mon bonheur ; mais je songeais toujours au vôtre. J’avais rêvé plusieurs fois, quand vous étiez enfant, de vous prendre un jour pour ma femme, et je ne sais plus à quelle occasion cet ancien rêve me revint à la pensée ; toujours est-il que j’écrivis ma lettre et que vous y avez répondu… Vous m’écoutez, mon enfant ? »

J’avais froid et je tremblais de tous mes membres, mais je ne perdais pas une seule de ses paroles ; je le regardais fixement ; les rayons du soleil, qui, en traversant la feuillée, descendaient sur sa tête, me paraissaient l’entourer d’une céleste auréole. « Écoutez-moi, cher ange, et ne parlez pas, me dit-il ; peu importe à quel moment je me suis demandé si la détermination que j’avais prise était bien celle qui dût vous rendre heureuse ; Woodcourt vint à la maison et tous mes doutes cessèrent. »

Je me jetai dans ses bras, et, posant ma tête sur sa poitrine, je