Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il me releva tendrement la tête et m’embrassa plusieurs fois d’une manière toute paternelle.

« Un mot encore, ajouta-t-il : quand l’autre soir, Allan Woodcourt vous fit part de ses sentiments, chère fille, je le savais et j’y avais consenti ; mais je ne lui avais donné aucun espoir ; la surprise que je voulais vous faire à tous les deux était ma seule récompense et j’étais trop avare de ce bonheur pour vouloir en perdre la moindre parcelle. Il vint ensuite me dire tout ce qui s’était passé, comme nous en étions convenus. J’ai tout dit, chère fille. Allan Woodcourt s’est trouvé au lit de mort de votre père, au lit de mort de votre mère : voici Bleak-House je lui donne aujourd’hui sa petite maîtresse, et devant Dieu, c’est le plus beau jour de toute ma vie. »

Il me releva ; nous n’étions plus seuls ; mon mari (il y a maintenant sept années révolues que je l’appelle ainsi), mon mari était à mes côtés.

« Allons, lui dit mon tuteur, recevez de ma main la meilleure épouse qu’un homme ait jamais eue. Je sais que vous en êtes digne et c’est le plus grand éloge que l’on puisse faire de vous. Acceptez la maison qu’elle vous apporte ; vous savez quel charme elle saura y répandre ; Allan, vous vous rappelez ce qu’elle a fait de l’homonyme de cette demeure. Laissez-moi partager quelquefois la félicité qu’on y trouvera et je n’aurai rien perdu. »

Il m’embrassa de nouveau et ajouta d’une voix plus douce avec des pleurs dans les yeux :

« Esther, mon enfant, après tant d’années passées ensemble, c’est une espèce de séparation. Je sais que la méprise que j’ai faite vous a causé quelque chagrin ; pardonnez à votre vieux tuteur en lui rendant l’ancienne place qu’il occupait dans votre affection, et oubliez l’instant où il s’était trompé. »

Il s’éloigna sous la voûte de feuillage, se retourna comme il venait d’en sortir, et nous regardant, tout inondé de lumière : « Vous me retrouverez d’un côté ou de l’autre ; je serai dans les environs, dit-il. Le vent est de l’ouest, petite femme, tout à fait de l’ouest. Surtout qu’on ne pense plus à me remercier ; car je reprends mes anciennes habitudes ; et si quelqu’un venait à oublier cette recommandation, je m’enfuirais et je ne reviendrais plus. »

Quel bonheur que le nôtre pendant toute cette journée ! que de joie, d’espérance et de gratitude ! quelle félicité parfaite !

Nous devions nous marier avant la fin du mois ; mais l’époque à laquelle nous devions prendre possession de notre maison dépendait de Richard et d’Éva.