Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/376

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Nous nous occupâmes d’eux toute la matinée ; examinant et discutant tout ce qu’il était possible de faire, et tout ce qu’on pouvait leur proposer. Dans l’après-midi, mon tuteur vint avec moi jusqu’à Symond’s-Inn. Il me quitta à la porte d’Éva, et je montai seule chez elle. Quand ma pauvre amie entendit le bruit de mes pas dans l’étroit corridor, elle vint me trouver et se jeta dans mes bras ; mais elle réprima bientôt son émotion et me dit que Richard m’avait demandée plusieurs fois. Allan, continua-t-elle, l’avait trouvé assis dans un coin de la salle où il paraissait pétrifié. Quand il fut réveillé de sa torpeur, il avait éclaté en reproches amers contre les juges ; mais le sang qui avait rempli sa bouche dès les premières paroles l’avait empêché de continuer, et son ami l’avait ramené.

Lorsque j’entrai dans la chambre, il était couché sur le divan, et paraissait dormir. Sur la table se trouvaient des fortifiants ; la pièce était aussi aérée que possible, et tout y était calme et parfaitement en ordre. Allan était à côté de lui et le regardait d’un air grave. Sa figure me sembla d’une pâleur absolue ; et, pour la première fois, je sentis combien il était épuisé ; son visage était pourtant d’une beauté que je ne lui avais pas vue depuis longtemps.

Je m’assis auprès de lui en silence. Il ouvrit les yeux quelques instants après, et me dit d’une voix faible, mais avec son ancien sourire :

« Dame Durden, embrassez-moi. »

La gaieté semblait lui être revenue autant que le permettait sa faiblesse. Il pensait à l’avenir et se montrait plus heureux de notre mariage qu’il ne pouvait l’exprimer. Mon mari, disait-il, avait été son ange gardien comme celui d’Éva. Il nous bénissait, nous souhaitait tout le bonheur que cette vie peut donner, et je crus un instant que mon cœur allait se briser, quand je lui vis prendre la main d’Allan et la retenir sur sa poitrine.

Nous parlâmes de diverses choses ; nous fîmes des projets. Il assisterait à notre mariage, disait-il, pour le peu que ses jambes voulussent bien le lui permettre. Éva trouverait toujours le moyen de l’y conduire.

« Certainement, » répondit-elle. Mais en dépit de la sérénité que montrait son doux visage, pauvre amie ! je savais bien… je savais bien…

Il ne fallait pas qu’il parlât, et nous gardâmes le silence. Comme il avait l’habitude de me plaisanter sur la manie que j’avais d’être toujours occupée, j’allai prendre mon ouvrage, qui me servit de prétexte pour ne plus rien dire. Éva s’appuya sur