Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/128

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le manuscrit dans sa poche, sort de son cabinet et dit à l’homme entre deux âges qu’il sera rentré dans un instant ; il est très-rare qu’il lui en dise davantage.

M. Tulkinghorn fait comme la corneille, il prend son vol et se rend en droite ligne chez M. Snagsby, papetier du palais, faisant copies et grosses, et tout ce qui constitue les écritures judiciaires.

Il est environ cinq ou six heures du soir ; un parfum de thé bouillant plane sur la maison de M. Snagsby, qui, au moment de descendre dans les régions souterraines où il va prendre le thé, a jeté un coup d’œil à la porte, regardé les nuages, et aperçu la corneille attardée qui volait du côté de l’ouest.

« Votre maître y est-il ? »

Guster garde la boutique pendant que les deux apprentis sont dans la cuisine et prennent le thé avec M. et Mme Snagsby ; par conséquent, les deux filles de la couturière, qui frisent leurs cheveux aux miroirs suspendus aux deux fenêtres du second étage de la maison d’en face, n’attirent pas l’attention des apprentis, ainsi qu’elles aiment à le croire, et n’éveillent que la stérile admiration de Guster, qui voudrait bien aussi avoir des cheveux ; mais il n’y a pas de danger que les siens repoussent jamais, à ce que disent les mauvaises langues.

« Votre maître y est-il ? » demande M. Tulkinghorn.

Son maître y est, et Guster va le chercher, fort contente de quitter la boutique, qu’elle regarde avec terreur, comme un arsenal d’instruments effroyables de torture légale, et où il ne faut pas entrer, lorsque le gaz est éteint.

M. Snagsby arrive tout essoufflé, les mains grasses et la bouche pleine, avale un morceau de pain et de beurre et s’écrie :

« Bonté divine, c’est M. Tulkinghorn !

— J’aurais besoin de vous dire un mot, Snagsby.

— Certainement, monsieur ; mais pourquoi ne m’avoir pas envoyé votre jeune homme ? j’y serais allé tout de suite. Passez, s’il vous plaît, dans mon arrière-boutique. »

Snagsby est rayonnant ; la petite pièce où il entre, et qui sent le parchemin, sert à la fois d’entrepôt, de comptoir et de bureau. M. Tulkinghorn s’assied devant le pupitre, en face du papetier.

« L’affaire Jarndyce, Snagsby, dit-il.

— Oui, monsieur. »

Le papetier monte le gaz et tousse modestement derrière sa main, anticipant un bénéfice quelconque. M. Snagsby, en homme timide, a l’habitude de tousser avec une variété d’expressions qui le dispense de parler.