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l’intention de les sceller dans la muraille. Il faut manger, disent les Français ; et manger m’est aussi nécessaire qu’à pas un homme en France.

— Beaucoup plus, ajoute M. Smallweed.

— Si quelqu’un m’avait dit, poursuivit Jobling, même à l’époque où nous avons visité ce château du Lincolnshire, qu’on appelle Castle-Wold…

— Chesney-Wold, reprend M. Smallweed.

— Je remercie mon honorable ami : Chesney-Wold ; si quelqu’un m’avait dit alors que je serais un jour dans la débine où je me trouve aujourd’hui, je lui aurais… certainement flanqué une pile, dit Jobling en avalant une gorgée de rhum d’un air désespéré.

— Cependant, Tony, vous étiez déjà dans une assez mauvaise passe ; vous n’avez fait que parler de cela pendant tout le temps du voyage.

— Je ne le nie pas ; j’étais déjà peu fortuné ; toutefois j’espérais que les choses prendraient meilleure tournure et finiraient par s’arranger ; mais quel désappointement ! les créanciers vinrent par bandes se présenter à l’étude ; les fournisseurs de l’étude se plaignirent et clabaudèrent à propos de méchantes petites sommes que je leur avais empruntées, et je perdis ma position ; sans compter qu’il n’y avait pas à se replacer ailleurs. Que je fasse une démarche, que je demande n’importe quoi, la chose est sue, et me voilà pris pour dettes. Que faire alors, si ce n’est de me tenir à l’écart, en dépensant le moins possible ? Mais à quoi sert de vivre avec économie quand on n’a pas d’argent ? Autant vaudrait faire grand’chère, ce ne serait pas plus difficile.

— Ce serait surtout beaucoup plus agréable, ajoute M. Smallweed.

— Certainement ; c’est ainsi qu’on fait dans le grand monde ; et la fashion et les favoris ont toujours été mes faiblesses ; peu m’importe qu’on le sache, ce sont de nobles faiblesses ; oui, monsieur ; mais, je vous le demande, continue M. Jobling en vidant son verre, que peut faire un homme dans la situation où je me trouve, à moins qu’il ne s’engage ? »

M. Guppy prend alors la parole ; ses manières ont la gravité mélancolique d’un homme qui n’est entré dans le monde que pour y être victime d’un violent chagrin de cœur.

«  Jobling, dit-il, notre ami commun Smallweed et moi…

— Tous deux, de vrais gentlemen, fait modestement observer M. Smallweed qui boit une gorgée de rhum.