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BLEAK-HOUSE

Richard, lui parla debout pendant quelques minutes, avec une bonté toute cordiale, comme s’il avait su, bien qu’il fût grand chancelier, le moyen de gagner la confiance d’un jeune homme.

« Très-bien, dit à haute voix Sa Seigneurie ; je puis maintenant expédier l’ordre qui termine cette affaire. Autant qu’il m’est possible d’en juger, M. Jarndyce a parfaitement choisi la compagne de miss Clare, et cet arrangement paraît aussi convenable que le permettent les circonstances. »

Il nous salua gracieusement et nous partîmes enchantés de sa politesse affable qui, à nos yeux, ne lui avait rien fait perdre de sa dignité ; elle semblait, au contraire, y avoir ajouté.

Quand nous fûmes sous la colonnade, M. Kenge se rappela qu’il lui restait encore certaine question à faire, et nous laissa en plein brouillard avec l’équipage et les domestiques du lord grand chancelier, qui attendaient leur maître.

« Voilà donc qui est réglé, dit Richard ; et où allons-nous maintenant, miss Summerson ?

— Ne le savez-vous point ? demandai-je…

— Assurément non.

— Et vous, Éva !

— Pas le moins du monde. »

Comme nous en étions là, une singulière petite femme, ayant un chapeau tout déformé, et tenant un sac à la main, s’approcha le sourire aux lèvres, et, nous abordant avec force révérences :

« Oh ! dit-elle, les pupilles de la cour dans l’affaire Jarndyce contre Jarndyce ! c’est un heureux présage pour l’espérance, la jeunesse et la beauté, quand elles se trouvent dans ces lieux sans savoir ce qui doit en advenir.

— Folle ! dit tout bas Richard, ne supposant pas qu’il pût être entendu.

— Vous l’avez dit, jeune homme ; folle en vérité, reprit-elle si vivement qu’il en resta confus. J’ai été pupille autrefois : je n’étais pas folle alors, continua la petite vieille entremêlant ses phrases de profondes révérences accompagnées de sourires ; j’avais l’espoir, la jeunesse, je crois même la beauté ; peu importe à présent, rien de tout cela ne m’a servi, rien de tout cela ne m’a sauvée. J’ai l’honneur d’assister régulièrement aux séances de la cour avec mes documents. J’attends une conclusion… Avant peu… J’ai découvert que le sixième sceau mentionné dans les Écritures est le grand sceau de la haute cour. Acceptez, je vous prie, la bénédiction que je vous donne. »

Je lui répondis que nous en étions fort touchés.