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BLEAK-HOUSE

pour approuver l’excellente idée de miss Jellyby qui nous proposait une promenade.

« Maman ne descendra pas de longtemps, nous dit-elle, et ce sera bien heureux si après cela nous n’attendons pas le déjeuner plus d’une heure. Quant à papa il mange ce qu’il trouve, et s’en va au bureau ; mais jamais il ne déjeune régulièrement : la bonne laisse le pain sur la table et un peu de lait quand il en reste ou que le chat ne l’a pas bu, et voilà tout. Mais attendez-moi, je vais chercher mon chapeau. »

Pendant qu’Éva s’habillait, j’offris à Pépy de le débarbouiller et de le coucher ensuite dans mon lit ; ce qu’il accepta de bonne grâce, me regardant néanmoins pendant toute l’opération avec un étonnement qui témoignait de l’extrême rareté du fait. Il avait l’air très-malheureux, il faut l’avouer, mais ne proférait pas une plainte et paraissait enchanté d’aller dormir dans un lit bien bordé aussitôt que le nettoyage serait fini. L’idée me vint alors d’être inquiète de la liberté que je venais de prendre ; mais je réfléchis que probablement personne ne s’en apercevrait.

Nous trouvâmes miss Jellyby dans la salle de travail à côté du feu que Priscilla tâchait d’allumer à la flamme d’une chandelle. Elle finit même par y jeter aussi le bout pour faire aller le feu plus vite. Toute la maison était dans l’état où nous l’avions laissée la veille au soir : la nappe était restée sur la table et s’y trouvait toute prête pour le déjeuner ; les miettes de pain, la poussière et les papiers qui se voyaient partout n’avaient pas été balayés et ne paraissaient pas devoir l’être ; la porte de la rue était ouverte, le pot au lait était accroché à la grille et nous rencontrâmes la cuisinière qui revenait du cabaret du coin en s’essuyant la bouche : elle nous dit en passant qu’elle avait été savoir l’heure.

Richard montait et descendait la rue, frappant de la semelle pour s’échauffer les pieds, et, fort agréablement surpris de nous voir, il se joignit à nous, enchanté de partager notre promenade. Miss Jellyby avait repris son air maussade, et personne ne se serait douté de l’affection qu’elle disait avoir pour moi.

« Où voulez-vous aller ? demanda-t-elle.

— N’importe où, répondis-je, mais de grâce ne nous arrêtons pas.

— Voyez-vous, dit-elle en m’entraînant tout à coup, dût-il venir tous les soirs, avec son front luisant et bossu, et vivre autant que Mathusalem, je ne trouverai jamais rien à lui dire : maman et lui sont de vrais ânes ! »

— Votre devoir, chère Caroline…