Page:Dickens - Cri-cri du foyer, traduction Pichot, 1847.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
128
LE CRICRI DU FOYER.

cieux ; je le vois accablé, désolé, qui lutte contre ses vagues réflexions. Mais, Berthe, je l’ai vu mainte fois auparavant, réunissant tous ses efforts pour un but grave et sacré ! Aussi j’honore sa tête blanche et je le bénis ! »

La jeune aveugle quitta Dot tout-à-coup, et allant se jeter à genoux devant Caleb, prit sa tête blanche sur son sein.

« Ma vue est recouvrée ! s’écria-t-elle, j’ai recouvré la vue ! J’ai été aveugle, et maintenant mes yeux sont ouverts… Je ne l’ai jamais connu ! Penser que j’aurais pu mourir et ne jamais voir tel qu’il était le père qui fut si tendre pour moi ! »

Il n’y avait pas de mots pour l’émotion de Caleb.

« Il n’est pas sur cette terre de noble et belle tête, s’écria la jeune aveugle en embrassant toujours Caleb, il n’en est pas que je pourrais aimer avec autant de tendresse, avec autant de dévoûment que celle-ci ; d’autant plus chère qu’elle est plus grise et plus fatiguée ! Ô mon père ! qu’on ne dise plus que je suis aveugle ! Il n’est pas une ride sur ce visage, il n’est pas un cheveu sur cette tête qui puissent être oubliés dans les prières que ma reconnaissance adressera au ciel ! »

Caleb essaya d’articuler le nom de sa fille : « Ma Berthe !

— Et dans ma cécité, dit Berthe, qui pleurait d’amour et de bonheur, — et dans ma cécité je le croyais si dif-