Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/133

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apprendre par cœur ; tout m’entrait par une oreille pour sortir par l’autre.

Quels bâillements je poussais en dépit de tous mes soins pour les vaincre ! Comme je tressaillais en me sentant gagner par un petit somme irrésistible ! comme on répondait peu aux observations que je faisais parfois ! comme je semblais être un zéro auquel personne ne faisait attention et qui gênait pourtant tout le monde, et avec quel soulagement j’entendais miss Murdstone me donner l’ordre d’aller me coucher, au premier coup de neuf heures !

Les vacances se traînèrent ainsi péniblement jusqu’au matin où miss Murdstone s’écria : « Voilà le dernier jour ! » en me donnant la dernière tasse de thé pour la clôture.

Je n’étais pas fâché de partir. J’étais tombé dans un état d’abrutissement, dont je ne sortais un peu qu’à l’idée de revoir Steerforth, quoique M. Creakle apparut au second plan dans le paysage. M. Barkis se trouva de nouveau devant la grille, et miss Murdstone répéta : « Clara ! » de sa voix la plus sévère, au moment où ma mère sa pencha vers moi pour me dire adieu.

Je l’embrassai ainsi que mon petit frère, et je me sentais bien triste, non de les quitter pourtant, car le gouffre qui existait entre ma mère et moi était toujours présent, et la séparation avait eu lieu tous les jours, et quelque tendre que fût son baiser, il n’est pas aussi présent à ma mémoire que ce qui suivit nos adieux.

J’étais déjà dans la carriole du conducteur quand je l’entendis m’appeler. Je regardai : ma mère était seule à la porte du jardin, soulevant dans ses bras son petit enfant pour que je pusse le voir. Il faisait froid, mais le temps était calme ; pas un de ses cheveux, pas un pli de sa robe ne bougeait, pendant qu’elle me regardait fixement en me montrant son enfant. C’est ainsi que je la perdis. C’est ainsi que je l’ai revue plus tard en rêve, à ma pension, silencieuse et présente auprès de mon lit, me regardant toujours fixement en tenant son enfant dans ses bras.