Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/137

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doutant guère que je n’y reviendrais jamais. Nous voyagions très-lentement et ce ne fut qu’à neuf ou dix heures du matin que j’arrivai à Yarmouth. Je cherchais des yeux M. Barkis, mais il ne parut pas, et je vis à sa place un gros petit homme, un peu poussif, à l’air jovial, déjà avancé en âge, vêtu de noir, avec des petits nœuds de ruban au bas de sa culotte courte, des bas noirs et un chapeau à larges bords ; il s’avança vers la portière de la voiture en appelant :

« Monsieur Copperfield ?

— Me voici, monsieur.

— Voulez-vous venir avec moi, mon jeune monsieur, s’il vous plaît ? dit-il en ouvrant la portière, et j’aurai le plaisir de vous mener chez vous. »

Je pris sa main, me demandant qui ce pouvait être, et nous arrivâmes à la porte d’une boutique dans une rue étroite. L’enseigne portait :

omer

Drapier, tailleur, marchand de nouveauté, fournit

les articles de deuil, etc.


C’était une petite boutique très-étroite, on y étouffait ; la pièce était remplie de vêtements de toutes sortes, confectionnés ou en pièces. Une des fenêtres était garnie de chapeaux d’hommes et de femmes. Nous entrâmes dans une petite chambre située derrière la boutique ; il y avait là trois jeunes filles qui travaillaient à des vêtements noirs ; il y en avait un paquet sur la table, et le plancher était couvert de petits chiffons noirs. Il y avait un bon feu dans la chambre, et une odeur étouffante de crêpe roussi. C’est une odeur que je ne connaissais pas encore ; je la connais maintenant.

Les trois jeunes filles, qui avaient l’air très-gai et très-actif, levèrent la tête pour me regarder, puis reprirent leur ouvrage. Elles cousaient, cousaient, cousaient. En même temps on entendait sortir d’un atelier situé de l’autre côté de la cour un bruit régulier de marteaux en cadence Rat-ta-tat. Rat-ta-tat. Rat-ta-tat, sans aucune variation.

« En bien ! dit mon guide à l’une des jeunes filles, où en êtes-vous, Marie ?

— Oh ! nous serons prêtes à temps, dit-elle gaiement sans lever les yeux. Ne vous inquiétez pas, mon père. »

M. Orner ôta son chapeau à larges bords, s’assit et soupira. Il était si gros qu’il fut obligé de pousser encore plus d’un soupir avant de pouvoir dire :