Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/193

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le grand mur de la prison du Banc-du-Roi. À peine avais-je prononcé ces paroles qu’il partit comme si lui, ma malle, la charrette et l’âne étaient tous également piqués de la tarentule, et j’étais hors d’haleine à force de courir et de l’appeler quand je le rejoignis à l’endroit indiqué.

J’étais rouge et agité, et je fis tomber ma demi-guinée de ma poche en prenant la carte : je la mis dans ma bouche pour plus de sûreté, et, en dépit de mes mains tremblantes, j’avais réussi à attacher la carte, à ma satisfaction, quand je reçus un coup sous le menton, du jeune homme aux longues jambes, et je vis ma demi-guinée passer de ma bouche dans sa main.

« Allons ! dit le jeune homme un me saisissant par le collet de ma veste, avec une affreuse grimace, affaire de police n’est-ce pas ? vous allez vous sauver, n’est-ce pas ? Venez à la police, petit misérable, venez à la police.

— Rendez-moi mon argent, dis-je très-effrayé, et laissez-moi tranquille.

— Venez à la police, répéta le jeune homme, vous prouverez à la police que c’est à vous.

— Rendez-moi ma malle et mon argent ! m’écriai-je en fondant en larmes. »

Le jeune homme répétait toujours : Venez à la police, et Il me traînait avec violence près de l’âne comme s’il y avait eu quelque rapport entre cet animal et un magistrat, puis il changea tout à coup d’avis, sauta dans sa charrette, s’assit sur ma malle, et déclarant qu’il allait droit à la police, partit plus vite que jamais.

Je courais après lui de toutes mes forces, mais j’étais hors d’haleine, et je n’aurais pas osé l’appeler quand même je ne l’aurais pas perdu de vue. Je fus vingt fois sur le point d’être écrasé en un quart d’heure. Tantôt j’apercevais mon voleur, tantôt il disparaissait à mes yeux ; puis je le revoyais, puis je recevais un coup de fouet de quelque charretier, puis on m’injuriait, je tombais dans la boue, je me relevais pour courir me heurter contre un passant ou pour me précipiter contre un poteau. Enfin, troublé par la chaleur et l’effroi, craignant de voir Londres tout entier se mettre bientôt à ma poursuite, je laissai le jeune homme emporter ma malle et mon argent où il voudrait, et tout essoufflé et pleurant encore, je pris sans m’arrêter le chemin de Greenwich, qui était sur la route de Douvres, à ce que j’avais entendu dire, emportant chez ma tante, miss