Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

En me réveillant, mes membres étaient ai raides et mes pieds si endoloris, j’étais tellement étourdi par le roulement des tambours et le bruit des pas des soldats qui semblaient m’entourer de toutes parts, que je sentis que je ne pourrais pas aller loin ce jour-là, si je voulais avoir la force d’arriver au bout de mon voyage. En conséquence, je descendis une longue rue étroite, décidé à faire de la vente de ma veste la grande affaire de ma journée. Je l’ôtai pour apprendre à m’en passer, et la mettant sous mon bras, je commençai ma tournée d’inspection de toutes les boutiques de revendeurs.

L’endroit était bien choisi pour vendre une veste : les marchands de vieux habits étaient nombreux et se tenaient presque tous sur le seuil de leur porte pour attendre les pratiques. Mais la plupart d’entre eux avaient dans leurs étalages un ou deux habits d’officier avec les épaulettes, et intimidé par la splendeur de leurs marchandises, je me promenai longtemps avant d’offrir ma veste à personne.

Cette modestie reporta mon attention sur les boutiques de hardes à l’usage des matelots, et sur les magasins du genre de celui de M. Dolloby ; il y aurait eu trop d’ambition à m’adresser aux négociants d’un ordre plus relevé. Enfin je découvris une petite boutique dont l’aspect me parut favorable, au coin d’une petite ruelle qui se terminait par un champ d’orties entouré d’une barrière chargée d’habits de matelots que la boutique ne pouvait contenir, le tout entremêlé de vieux fusils, de berceaux d’enfants, de chapeaux de toile cirée et de paniers remplis d’une telle quantité de clefs rouillées, qu’il semblait que la collection en fût assez riche pour ouvrir toutes les portes du monde.

Je descendis quelques marches avec un peu d’émotion pour entrer dans cette boutique qui était petite et basse, et à peine éclairée par une fenêtre étroite qu’obscurcissaient des habits suspendus tout le long. Le cœur me battait, et mon trouble augmenta quand un vieillard affreux, avec une barbe grise, sortit précipitamment de son antre, derrière la boutique, et me saisit par les cheveux. Il était horrible à voir, et vêtu d’un gilet de flanelle très-sale, qui sentait terriblement le rhum. Son lit, couvert d’un lambeau d’étoffe déchirée, était placé dans le trou qu’il venait de quitter, et qu’éclairait une autre petite fenêtre par laquelle on apercevait encore un champ d’orties où broutait un âne boiteux.

« Qu’est-ce que vous voulez ? cria le vieillard d’un ton féroce.