Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/221

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figure dont il use, une comparaison, enfin tout ce que vous voudrez. Et pourquoi pas, si cela lui convient ?

— Certainement, ma tante.

— Ce n’est pas comme cela qu’on s’exprime d’habitude, et ce n’est pas le langage qu’on emploie en affaires : je le sais bien, et c’est pour cela que j’insiste pour qu’il n’en soit pas question dans son mémoire. »

— Est-ce que c’est un mémoire sur sa propre histoire qu’il écrit, ma tante ?

— Oui, petit, répondit-elle en se frottant da nouveau le nez. Il fait un mémoire sur ses affaires, adressé au lord chancelier, ou à lord Quelque chose, enfin à un de ces gens qui sont payés pour recevoir des mémoires. Je suppose qu’il l’enverra un de ces jours. Il n’a pas encore pu le rédiger sans y introduire cette allégorie, mais peu importe, cela l’occupe. »

Le fait est que je découvris plus tard que M. Dick essayait depuis plus de dix ans d’empêcher le roi Charles Ier d’apparaître dans son mémoire, mais sans pouvoir jamais l’empêcher de revenir sur l’eau.

« Je répète, dit ma tante, que personne que moi ne connaît l’esprit de cet homme-là, le plus aimable des hommes et le plus facile à vivre. S’il aime à enlever un cerf-volant de temps en temps, qu’est-ce que cela dit ? Franklin enlevait des cerfs-volants. Il était quaker ou quelque chose de cette espèce, si je ne me trompe. Et un quaker enlevant un cerf-volant est beaucoup plus ridicule qu’un homme ordinaire. »

Si J’avais pu supposer que ma tante m’avait raconté ces détails pour mon édification personnelle, ou pour me donner une preuve de confiance, j’aurais été très-flatté, et j’aurais tiré des pronostics favorables d’une telle marque de faveur. Mais je ne pouvais pas me faire d’illusion à cet égard il était évident pour moi que, si elle se lançait dans ces explications, c’est que la question se soulevait malgré elle dans son esprit : c’est à elle qu’elle répondait et non à moi, quoique ce fût à moi qu’elle adressât ses discours en l’absence de tout autre auditeur.

En même temps je dois dire que la générosité avec laquelle elle défendait le pauvre M. Dick ne m’inspira pas seulement quelques espérances égoïstes pour mon compte, mais éveilla aussi dans mon cœur une certaine affection pour elle. Je crois que je commençais à m’apercevoir que, malgré toutes les excentricités et les étranges fantaisies de ma tante, c’était une