Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/294

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qu’il faut tâcher de ne pas faire fausse route, si nous pouvons, je crois que nous ferions mieux de nous donner le temps de respirer. En attendant, tâchez d’envisager l’affaire sous un nouveau point de vue, et non pas comme un écolier.

— Je tâcherai, ma tante.

— J’ai eu l’idée, continua ma tante, qu’un peu de changement et un coup d’œil jeté sur la vie du monde pourraient vous aider à fixer vos idées et à asseoir plus sérieusement votre jugement. Si vous faisiez un petit voyage ? si vous vous rendiez par exemple dans votre ancien pays pour y voir… cette femme étrange qui a un nom si sauvage, continua-t-elle en se frottant le bout du nez, car elle n’avait pas encore complètement pardonné à Peggotty de s’appeler Peggotty.

— C’est tout ce que je peux désirer de plus agréable au monde, ma tante !

— Eh bien ! dit-elle, voilà qui est heureux, car je le désire beaucoup aussi. Mais il est naturel et raisonnable que cela vous plaise, et je suis très-convaincue que tout ce que vous ferez, Trot, sera naturel et raisonnable.

— Je l’espère, ma tante.

— Votre sœur, Betsy Trotwood, dit ma tante, aurait été la jeune fille la plus naturelle et la plus raisonnable qu’on puisse voir. Vous serez digne d’elle, n’est-ce pas ?

— J’espère être digne de vous, ma tante ; je n’en demande pas davantage

— C’est une grâce du bon Dieu que votre mère, la pauvre enfant, ne soit pas de ce monde, dit ma tante en me regardant d’un air d’approbation, car elle serait si fière de son garçon maintenant qu’elle en aurait perdu le peu de tête qui pouvait lui rester à perdre. »

Ma tante s’excusait toujours de la faiblesse qu’elle pouvait éprouver pour moi en la rejetant ainsi sur ma pauvre mère :

« Vraiment, vous ne vous figurez pas, Trotwood, combien vous me la rappelez !

— D’une manière agréable, j’espère, ma tante ?

— Il lui ressemble tant, Dick, ajouta ma tante en appuyant sur les mots, que je crois la voir encore, le jour où je l’ai visitée, avant qu’elle commençât à souffrir ; voyez-vous, il lui ressemble comme deux gouttes d’eau !

— En vérité ? dit M. Dick.

— Mais cela n’empêche pas qu’il ressemble aussi à David, dit ma tante d’un ton positif.