Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/324

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de manière a braver les coups et les contre-coups d’un voyage éternel, et reçut, de l’air le plus calme, la gratification modeste que je lui offris.

Nous fîmes nos adieux à mistress Steerforth et à miss Dartle : mes remercîments furent reçus avec beaucoup de bonté par la mère de mon ami. La dernière chose qui me frappa, fut le visage imperturbable de Littimer, qui exprimait, à ce que je crus voir, la conviction que j’étais bien jeune, bien jeune.

Je n’essayerai pas de décrire ce que j’éprouvai en retournant, sous de si favorables auspices, dans les lieux témoins de mon enfance. J’étais si préoccupé de l’effet que produirait Yarmouth sur Steerforth, que je fus ravi de lui entendre dire, en traversant les rues sombres qui conduisaient à l’hôtel de la Poste, qu’autant qu’il pouvait en juger, c’était un bon petit trou, assez drôle, quoique un peu isolé. Nous allâmes nous coucher en arrivant (je remarquai une paire de guêtres et des souliers crottés à la porte de mon vieil ami le Dauphin), et nous déjeunâmes tard le lendemain. Steerforth, qui était fort en train, s’était promené sur la plage avant mon réveil, et avait fait la connaissance de la moitié des pêcheurs du lieu, disait-il. Bien mieux, il croyait avoir vu dans le lointain la maison de M. Peggotty, avec de la fumée qui sortait par la cheminée, et il avait été sur le point, me dit-il, d’entrer résolument et de se faire passer pour moi, en disant qu’il avait tellement grandi qu’il n’était plus reconnaissable.

« Quand comptez-vous me présenter, Pâquerette ? dit-il. Je suis à votre disposition, cela ne dépend plus que de vous.

— Eh bien ! je me disais que nous pourrions y aller ce soir, Steerforth, au moment ou ils sont tous assis en rond autour du feu. Je voudrais vous faire voir ça dans son beau, c’est quelque chose de si curieux !

— Va donc pour ce soir ! dit Steerforth.

— Je ne les préviendrai pas de notre arrivée, vous savez, dis-je tout enchanté. Il faut les prendre par surprise.

— Oh ! cela va sans dire, répondit Steerforth, il n’y aurait plus de plaisir si on ne les prenait pas sur le fait. Il faut voir les indigènes dans leur état naturel.

— Pourtant, ce ne sont que des gens de l’espèce dont vous parliez l’autre jour, lui dis-je.

— Ah ! vous vous souvenez de mes escarmouches avec Rosa ? s’éeria-t-il vivement. Cette fille m’est insupportable, j’ai presque peur d’elle. Elle me fait l’effet d’un vampire. Mais n’y